Je poursuis par un deuxième court message l'évocation de ce que j'ai vu et entendu à Paris, il y a un peu plus d'une semaine. C'est l'occasion pour moi de consacrer entièrement, pour la première fois, un article du présent blog à l'actualité culturelle.
Le lundi de la semaine dernière, 3 décembre, je suis allé visiter deux grandes expositions de peinture, l'une consacrée à l'oeuvre de Gustave Courbet aux Galeries nationales du Grand Palais, dans le VIIIe arrondissement de Paris, et l'autre consacrée à l'oeuvre de Giuseppe Arcimboldo, au Musée du Luxembourg, dans le VIe arrondissement.
Le lundi matin je suis d'abord allé voir la rétrospective du peintre réaliste Gustave Courbet (1819-1877) au Grand Palais, première exposition de ce genre présentée à Paris et consacré à cet artiste depuis trente ans, d'autant plus intéressante qu'elle permet de voir de nombreux tableaux conservés dans des musées européens et nord-américains, ainsi que dans des collections privées, et dont l'accès est en général fort difficile pour le public français, qui a pourtant, il est vrai, la chance d'avoir facilement accès, en général, à plusieurs chefs d'oeuvres de Courbet conservés dans des musées aussi bien à Paris - au Musée d'Orsay et au Musée du Petit Palais notamment - qu'en province - au Musée Fabre de Montpellier (Hérault) et au Musée Courbet à Ornans (Doubs), par exemple.

Peintre à scandale, franc-comtois truculent et député de la Commune mort en exil, Gustave Courbet (1819-1877), à qui le Grand Palais à Paris consacre une rétrospective, fut surtout un artiste qui voulait "peindre en grand", plus subtil et moins réaliste que ne le veut sa légende.
"Gustave Courbet" expose du 13 octobre au 28 janvier 2008 quelque 200 oeuvres - 120 toiles, 60 photographies et des dessins - pour la première grande rétrospective organisée depuis trente ans sur le célèbre peintre, dont l'ambition est de "proposer une nouvelle lecture" de l'oeuvre de Courbet.
Les grands formats comme " Un Enterrement à Ornans" ou "L'Atelier du peintre" sont exposés, comme le fameux "L'Origine du Monde", des séries exceptionnelles car rarement réunies, de paysages ou de natures mortes et un tableau que l'on pensait disparu, "Femme nue couchée".

La "perception de l'oeuvre de Courbet a changé", indique à la presse Laurence des Cars, conservatrice au musée d'Orsay qui organise l'exposition avec la RMN, le MET [Metropolitan Museum of Art] de New York et le musée Fabre de Montpellier.
Au XIXe siècle et jusqu'aux années 1970, on "voyait d'un côté le monde académique, de l'autre celui des Indépendants", dit-elle. Il s'agissait aujourd'hui de "donner une version moins manichéenne, de replacer Courbet dans la création de son temps et en apprécier plus justement la richesse et la diversité", ajoute-t-elle.

L'exposition, structurée en huit sections, commence par les autoportraits de l'artiste dont le splendide "Le Désespéré" qui sert d'affiche et que l'on voit rarement car issu d'une collection particulière.
" Une après-dînée à Ornans", médaille d'or au salon de 1848 qui lance la carrière du jeune homme de 29 ans, témoigne de l'attachement profond de Courbet à sa région natale, qu'il peindra toute sa vie. Elle montre également déjà le goût pour le grand format d'un artiste qui disait "vouloir peindre en grand".
C'est ensuite, deux ans plus tard, le célèbre " Enterrement [à Ornans]". Haut de cinq mètres, large de presque sept, le tableau est un "coup de pied incroyable à la peinture traditionnelle", explique Dominique de Font-Réaulx, conservatrice à Orsay et co-commissaire de l'exposition. Il "présente des paysans d'Ornans, c'est-à-dire rien, vu de Paris, à la taille des grands de ce monde, dans une toile de même grandeur que "Le Sacre de Napoléon" de David !", dit-elle.
"Même ses détracteurs sont conscients de l'importance de cette oeuvre de Courbet", dit-elle.
Mais le peintre n'a pas fini de choquer. Avec ses " Demoiselles du Bord de Seine", habillées mais très alanguies, il annonce tous les déjeuners sur l'herbe et "L'Origine du Monde", un gros plan sur un sexe de femme, sera dissimulé aux regards jusqu'à chez son dernier propriétaire, le psychanalyste Jacques Lacan.
Aux côtés des paysages franc-comtois, l'exposition propose une partie moins connue de l'oeuvre du peintre, ses scènes de chasse. "Comme à l'accoutumée, il n'y a pas d'anecdote, il distord la réalité. Courbet est un peintre d'atelier qui recrée la réalité, en laissant croire qu'il peint ce qu'il a vu", disent les commissaires.
L'exposition se clôt sur les dernières natures mortes, peintes en prison et en exil, où fruits pourris et poissons blessés trahissent le désespoir d'un homme touché par l'exil.

La rétrospective ira ensuite au Metropolitan Museum of Art de New York (27 février-18 mai 2008) et au musée Fabre de Montpellier (13 juin-28 septembre 2008).
(Tlj sauf le mardi de 10H00 à 22H00, le jeudi jusqu'à 20h00. Prix d'entrée : 10 euros - TR : 8 euros. Catalogue 472 pages. RMN Editions. 49 euros).
(Dépêche de l'Agence France Presse [AFP], 11 octobre 2007)

Outre les tableaux conservées dans les musées français, à Paris et à Montpellier, que je connaissais déjà - mais que j'ai revu avec plaisir, y compris l'Origine du monde ! -, j'ai été très heureux de pouvoir enfin voir, à l'occasion de cette rétrospective, plusieurs chefs d'oeuvres de Courbet jusque là inaccessibles pour moi, tels que La Femme à la vague, Le Désespéré, Le Château de Chillon, La Femme au perroquet, Femme nue couchée, ou même La Source et le portrait d'Hector Berlioz, tout deux certes conservés au Musée d'Orsay, mais rarement exposés. Beaucoup de monde à cette exposition-évènement, lors de ma venue, même si la queue à l'entrée ne fut pas excessivement longue, même pour une mâtinée de lundi. Il est toujours assez désagréable de visiter une exposition lorsque les salles sont remplies de monde, et où chacun se sent obligé de faire à voix haute des commentaires pas toujours avisés - c'est le moins que l'on puisse dire - sur les oeuvres présentées, mais la contemplation des tableaux, des dessins et des photographies permet heureusement de compenser largement ses quelques désagréments... La forte fréquentation dont bénéficie cette rétrospective témoigne, en tout cas, de son succès auprès du public. L'exposition a eu même "l'honneur" d'être visité par Sarkozy de Nagy-Bocsa, le 16 octobre dernier, le lendemain de son divorce - rendu public le 18...

Il n'en aime peut-être pas les couleurs.
(Le Canard enchaîné N°4539, 24 octobre 2007)
Pourquoi vouloir visiter une exposition de peinture - sans doute au pas de charge - en se faisant suivre par des photographes de presse, si c'est pour, finalement, les empêcher de travailler sous prétexte que l'on a peur de se faire immortaliser à côté d'un des tableaux de ladite exposition, fut-il singulier ? Quelle tartufferie...
Mais passons donc à l'autre exposition que je suis allé voir ensuite, ce même lundi 3 décembre, en fin d'après-midi, au Musée du Luxembourg, à savoir une autre rétrospective, consacrée au peintre maniériste italien Giuseppe Arcimboldo (1526-1593).
De cet artiste, le public français connaît essentiellement sa célèbre série de quatre tableaux, conservée au Musée du Louvre, représentant des allégories des saisons sous la forme de têtes composées de végétaux, de fruits et de légumes, appelées Le Printemps, L'Eté, L'Automne et L'Hiver. Cette fameuse série des Saisons, aisément reconnaissable à l'encadrement de fleurs qui a été probablement ajouté sur les quatre tableaux au XVIIe siècle, fut commandée au peintre en 1573 par l'empereur Maximilien II de Habsbourg pour être offerte à l'Electeur Auguste de Saxe dont les armoiries, les épées croisées de Meissen, sont brodées sur le manteau de L'Hiver. Cette série, dite parisienne - puisqu'elle fait partie des collections du Louvre -, reprend, en fait, une série antérieure, datée de 1563, dont ne subsistent que L'Eté et L'Hiver - conservés tout deux au Kunsthistorisches Museum de Vienne -, et offerte par Arcimboldo à Maximilien II, en même temps qu'une autre série de quatre tableaux, les Quatre Eléments (1566), représentants des allégories de l'air, du feu, de la terre et de l'eau, sous la forme de têtes composées d'animaux - pour L'Air, L'Eau et La Terre - ou d'objets - pour Le Feu. Arcimboldo a peint d'autres têtes composées, faites d'objets, de végétaux et d'animaux, certains de ces tableaux ayant même la particularité d'être réversibles. Or, la rétrospective du Musée du Luxembourg permet, exceptionnellement, de voir les Saisons du Louvre aux côtés des autres têtes composées peintes par Arcimboldo, et conservées au Kunsthistorisches Museum de Vienne, au Musée National des Beaux Arts de Stockholm, au Château de Skokloster en Suède, dans des collections privées, et que le public français, de facto, n'a que rarement l'occasion de voir.
La plus grande exposition depuis vingt ans consacrée à Arcimboldo (1526-1593), icône des surréalistes pour ses portraits bizarres composés d'un assemblage de fruits et légumes ou d'animaux, s'ouvre samedi [15 septembre] au musée du Luxembourg à Paris.

"Nous avons voulu aller aux racines de son oeuvre et resituer Arcimboldo dans son époque, hors de son côté icône du fantastique", explique Sylvia Ferino, commissaire de l'exposition et conservateur de la peinture italienne Renaissance au Kunsthistorisches Museum de Vienne.
Arcimboldo, né à Milan, sera d'abord à l'origine de centaines de vitraux sortant des ateliers de la cathédrale de Milan, avant d'aller travailler à la cour des Habsbourg à Vienne et à Prague, pendant 25 ans.
Tout un ensemble de classiques portraits de cour "attribués" au peintre sont exposés. Mais "il voulait inventer, commencer quelque chose de nouveau, des portraits extraordinaires", explique Mme Ferino.
Le principe de portraits composés d'éléments insolites, ou déformés, n'est pas complètement nouveau à l'époque. En atteste une pièce insolite de l'exposition, une assiette en faïence de 1536 figurant une tête composée d'organes génitaux masculins, intitulée " tête de pénis" (testa di cazi). "Le but était de choquer", commente Mme Ferino.
Arcimboldo perfectionne et sophistique le principe. Il peint deux séries qui lui valent sa gloire actuelle: " Les 4 saisons" (1563) et "Les éléments" (1566), pour l'empereur Maximilien II, allégories de la "bonne gouvernance".
Maximilien, puis son fils Rodolphe II, étaient des collectionneurs passionnés de toute nouvelle espèce animale ou végétale, se faisant ramener du Nouveau monde des spécimens morts ou vifs.
Ainsi " L'été" a le buste piqué d'un artichaut, toute récente découverte venue des Amériques. "Tout ce qui a trait aux saisons dans ses portraits est reproduit parfaitement exactement", souligne Mme Ferino. Au fantastique s'alliait un souci naturaliste.
Une autre série célébrissime est celle des métiers: " Le bibliothécaire" composé de livres, "Le juriste", alliant cadavre de poulet et poisson, "La cuisinière" faite d'ustensiles de cuisine, etc.
Arcimboldo innove aussi lorsqu'il peint une corbeille de fruit, ou un plat de légumes qui, une fois retournés, révèlent un visage.
L'exposition présente un autre aspect de ses activités: l'organisateur de cortèges de fêtes pour les empereurs, dessins à l'appui.

Mais le "clou" est un "inédit" qui n'avait jamais été montré au public : une "Tête des 4 Saisons" (1591), décrite dans un livre d'un contemporain et ami d'Arcimboldo. "Jusqu'en 2006, il n'avait pas reparu. c'est un collectionneur particulier qui nous a contactés quand il a su que nous préparions l'exposition", explique Mme Ferino.
(Du 15 septembre au 13 janvier 2008 - Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard, Paris 6è - Tarif: de 5 à 11 euros - Catalogue: 38 euros)
(Dépêche de l'Agence France Presse [AFP], 13 septembre 2007)
L'exposition, qui comprends une centaine d'oeuvres - tableaux, tapisserie, oeuvres graphiques, objets d'art - qui permettent de se faire une idée non seulement sur la richesse de l'univers pictural d'Arcimboldo mais aussi sur le contexte culturel particulier de l'époque du peintre et de la cour des Habsbourg où il travailla longtemps. J'ai regretté, pour ma part, l'absence de certaines oeuvres du peintre, telles que La Terre, qui n'a pas quitté sa collection particulière viennoise, même pour l'occasion, et, surtout, Vertumne, le célèbre portrait végétal de l'empereur Rodolphe II, que je n'ai vu que sous forme de fac-similé, l'original n'ayant, hélas, été exposé que jusqu'au 14 novembre dernier, avant de repartir en Suède, où il est actuellement présenté à Stockholm dans une importante exposition sur les butins de guerre... Toutefois, et c'est là l'essentiel, j'ai été très heureux de pouvoir non seulement revoir la série des Saisons conservées au Louvre - on aura peut-être deviné que le tableau L'Automne est mon préféré... ;-) -, mais bien sûr aussi de voir, pour la première fois, les autres célèbres tableaux d'Arcimboldo venus des musées étrangers ou de collections privées, tels que L'Eau - tête faite d'animaux marins -, Le Bibliothécaire - tête faite de livres -, Le Cuisinier - tableau réversible, où un plat d'animaux rôtis devient un visage humain -, et Les Quatre Saisons en une tête, ce dernier étant présenté pour la première fois au public.
Voir en vrai des tableaux dont on n'a vu, auparavant, que des reproductions dans des livres, est toujours quelque-chose d'important, du moins en ce qui me concerne... On se retrouve alors véritablement confronté à l'oeuvre elle-même.
A la fin de la journée, j'avais les pieds en compote - et dans le train qui m'a ramené en Midi-Pyrénées, dans la nuit qui a suivi, j'ai dormi comme une souche -, mais je suis vraiment très satisfait d'avoir pû voir ses deux magnifiques expositions de peinture, et je ne peux qu'encourager mes lecteurs a faire, eux aussi, le déplacement à Paris pour aller visiter ses deux rétrospectives. Celle consacrée à Gustave Courbet se termine le 28 janvier prochain, et celle d'Arcimboldo le 13 janvier. Pour ceux qui n'auraient pas la possibilité de se rendre au Grand Palais et/ou au Musée du Luxembourg, je me permets également de leur conseiller, pour finir, une autre exposition de peinture, présentée à Toulouse. Plus modeste, mais très intéressante, cette exposition est intitulée "Gouffres, chaos, torrents et cimes : les Pyrénées des peintres". Je l'ai visité le 28 novembre dernier, quelques jours avant de monter à Paris. Elle est présentée au Musée Paul-Dupuy, musée municipal de Toulouse spécialisé dans les arts graphiques et les arts décoratifs, et propose un peu plus d'une trentaine de peintures et autant de dessins illustrant les Pyrénées, ses montagnes, ses torrents et ses gouffres, vus par des artistes du XIXe siècle et du début du XXe siècle. On pourra notamment y voir des tableaux et des aquarelles du génial illustrateur et peintre Gustave Doré (1832-1883), dont j'aime beaucoup l'oeuvre. Ouverte depuis le 18 octobre dernier, l'exposition se termine le 21 janvier prochain.
Cordialement, :-)
Hyarion, le démocrate anarcho-monarchiste.