Certains de mes lecteurs se souviennent peut-être d'un de mes précédents articles, daté du 4 avril dernier, dans lequel j'évoquai alors une exposition intitulée "La parade des animaux", qui était présentée à Toulouse, à la Médiathèque José Cabanis. Aujourd'hui, c'est une autre exposition toulousaine proposée au public à ladite Médiathèque José Cabanis que je me permets, à présent, d'évoquer succintement ici, après l'avoir visité, le 21 décembre dernier : il s'agit d'une exposition intitulée "Edmund Dulac, Illustrations féeriques Toulouse 1882 - Londres 1953" et consacrée à l'oeuvre d'Edmond Dulac, dit Edmund Dulac, illustrateur français naturalisé britannique de la première moitié du XXe siècle, né à Toulouse, le 22 octobre 1882, rue Montaudran (aujourd'hui rue Alfred-Duméril). Très connu en Grande-Bretagne, mais beaucoup moins en France, Edmund Dulac a été en son temps un des grands artistes du livre illustré anglais. L'exposition de la Médiathèque José Cabanis, présentée du 12 novembre 2008 au 25 janvier 2009, propose notamment aux visiteurs de découvrir les premiers travaux toulousains de Dulac ainsi que la quasi-totalité de son oeuvre d'illustrateur. Je me permets de reproduire ci-après la présentation de l'exposition faite par Sophie Galinier, doctorante en histoire de l'Art, spécialisée dans le livre illustré et l'histoire de l'illustration :
"Edmond Dulac, né à Toulouse en 1882, est l'un des illustrateurs majeurs de l'histoire de l'illustration en Grande-Bretagne au début du XXe siècle.
Dès 1905, après des études à l'École des Beaux-Arts de Toulouse et un deuxième grand prix municipal de peinture obtenu en 1903, Edmond Dulac traverse la Manche pour faire carrière dans l'illustration ; il transforme alors l'orthographe de son nom en « Edmund ». Dès son arrivée sur le sol britannique, l'artiste est honoré d'un contrat avec l'une des plus grandes maisons d'édition, J. M. Dent, pour illustrer l'oeuvre des soeurs Brontë rééditée en 6 volumes. En 1906, ses illustrations pour les Les Mille et une nuits éditées chez Hodder & Stoughton le placent immédiatement dans le firmament des illustrateurs les plus respectés et lui permettent d'exposer les originaux de chacun de ses ouvrages à la Leicester Galerie de Londres.
Les années suivantes, il illustre magistralement 'Le Tempête' de William Shakespeare (1908), les Rubàiyiàt d'Omar Khayyam (1909), les Contes de Ma mère l'Oye de Charles Perrault (1910), et enfin les Contes d'Andersen (1911) pour la maison d'édition Hodder & Stoughton. Chaque nouvel ouvrage est publié également sous forme d'éditions limitées de luxe. Celles-ci sont signées de la main de l'auteur dont la renommée ne cesse de croître. Le style de l'artiste marqué par une période dite « bleue » foisonne de scènes nocturnes, poétiques où la nature sert d'écrin aux héros et aux personnages secondaires plein d'humour, le tout dans un ensemble harmonieux, élégant et précieux.
Ce style, hérité du symbolisme, de l'orientalisme et des peintres anglais préraphaélites, en fait un artiste à part, tout comme sa grande culture enrichie d'une curiosité quasi boulimique. En effet, esprit universel, Edmund Dulac aimait à se plonger dans des domaines aussi divers que les langues orientales, l'histoire, la poésie, l'occultisme ou encore la musique. Cet intérêt pour diverses disciplines artistiques et intellectuelles explique son amitié avec quelques uns des plus grands noms du XXe siècle : le poète et homme politique irlandais William Butler Yeats, le chef d'orchestre Sir Thomas Beecham, les artistes Charles Ricketts et Charles Shannon ou encore le poète Ezra Pound.
Au fur et à mesure des années, l'oeuvre de Dulac laisse entrevoir une grande admiration pour les arts orientaux et notamment pour la miniature persane ou l'estampe japonaise. L'année 1912 constitue un tournant dans la vie et l'oeuvre d'Edmund Dulac et ce pour trois raisons : tout d'abord, l'artiste termine l'illustration des Cloches et autres poèmes d'Edgar Allan Poe sans conteste l'une des oeuvres majeures de ce peintre aquarelliste, ensuite, celui-ci devient citoyen britannique, ce qui explique sans doute sa renommée plus importante outre-Manche, enfin, Edmund Dulac effectue un voyage en Méditerranée qui influence son style de façon notable.
Grâce à cette croisière, il redécouvre l'art grec archaïque et tombe sous le charme du Maghreb. Ces révélations esthétiques l'incitent à rendre ses figures plus hiératiques, figées, sans indication de profondeur ou de volume tandis que les couleurs de sa palette s'éloignent des nocturnes typiques de sa période dite « bleue ». Peu à peu la géométrisation gagne les silhouettes qui se détachent sur des décors stylisés. L'évolution de son style se constate dès son retour dans les ouvrages Princesse Badoura (1913) ou Sinbad le marin (1914). La participation d'Edmund Dulac à l'effort de guerre appartient elle aussi à ce nouveau style comme en témoignent les ouvrages Edmund Dulac's Picture Book for the French Red Cross (1915) et Contes et légendes des Nations Alliées (1917).
Au sortir de la guerre, le monde du livre illustré et de l'illustration connaît une grande crise qui ralentit la carrière d'illustrateur d'Edmund Dulac qui tâche de pratiquer son art sur d'autres supports : caricatures, couvertures pour le magazine The American Weekly, huiles sur toiles, figures de cire, dessin de mobilier, décors, costumes, médailles, billets de banque et même musique. Au cours du deuxième conflit mondial, Edmund Dulac est sollicité par le Général de Gaulle pour réaliser les timbres de la France libre dont le gouvernement est alors à Londres. Aujourd'hui encore, son timbre de Marianne est son oeuvre la plus connue du public français.
L'après guerre apporte un léger renouveau par un contrat avec l'éditeur de livres de luxe américain le Limited Edition Club. Hélas, l'artiste décède le 25 mai 1953 à Londres d'un arrêt cardiaque.
Edmund Dulac est quasiment inconnu en France, de même que son oeuvre. Seuls quelques collectionneurs de timbres, amateurs de numismatique ou bibliophiles éclairés connaissent son nom. À l'inverse, la Grande-Bretagne lui a déjà consacré de nombreuses expositions dont une chez Hartnoll & Eyre en 1970 et l'autre plus récemment à la Dulwich Picture Gallery de Londres entre novembre 2007 et février 2008 sous le titre « The Age of Enchantment - Beadrsley, Dulac and their Contemporaries 1890-1930 ».
En effet, outre-Manche, Edmund Dulac est considéré comme l'un des artistes majeurs de l'âge d'or de l'illustration, voire comme l'égal d'illustrateurs tels Arthur Rackham ou les frères Robinson.
Il était donc temps pour Edmund Dulac de voir son oeuvre restituée au public de la ville où il est né, a grandi et a fait ses études. Tel est le but de cette exposition à la Médiathèque José Cabanis qui tente également, avec une exposition annexe, de mettre en parallèle l'artiste franco-britannique avec d'autres illustrateurs de l'âge d'or de l'illustration au Royaume-Uni."
©Sophie Galinier
Cette exposition présentée à la Médiathèque José Cabanis (1, allée Jacques Chaban-Delmas ; près de la gare de Toulouse-Matabiau), jusqu'au 25 janvier prochain, est assurément une bonne occasion de découvrir ou redécouvrir l'oeuvre d'Edmund Dulac, illustrateur aussi talentueux que méconnu, et dont l'oeuvre n'est pas sans rappeler les créations de certains artistes postérieurs (notamment anglo-saxons), que les illustrations de Dulac ont pu inspirer, notamment dans le domaine de la fantasy.
N.B. : La Médiathèque José Cabanis sera fermée au public du mardi 23 décembre au soir au dimanche 11 janvier inclus (fermeture annuelle). La réouverture aura lieu le mardi 13 janvier 2009 au matin.
Cordialement, :-)
Hyarion.