Quelques mots sur celui qui fut le premier - et pour l'instant le seul - président de la République par intérim de l'histoire de notre pays : Alain Poher. Président de la République par intérim une première fois lors de la démission du général de Gaulle, du 28 avril au 19 juin 1969, puis une deuxième fois à la suite du décès de Georges Pompidou, du 2 avril au 27 mai 1974, Poher est souvent oublié, même si, durant ces deux intérim, il a exercé la plénitude de ses attributions.
Né le 17 avril 1909 à Ablon-sur-Seine (Val-de-Marne), et mort le 9 décembre 1996, à Paris, Alain Poher fut un résistant pendant la Seconde Guerre Mondiale, avant de devenir chef de cabinet du ministre des Finances Robert Schuman en juin 1946, puis d'être élu, en décembre de la même année, membre du premier Conseil de la République - équivalent du Sénat sous la IVe République. Le 18 mai 1952, il est élu sénateur de Seine-et-Oise, appartenant au groupe du Mouvement républicain populaire (M.R.P.) démocrate-chrétien, puis plus tard au groupe de l'Union centriste des démocrates de progrès (U.C.D.P.) en tant que sénateur du Val-de-Marne : il siègera au Sénat sans interruption jusqu'en... 1995, étant régulièrement réélu en Seine-et-Oise, puis en Val-de-Marne à partir de 1968. Membre de l'Assemblée parlementaire européenne dès sa création, en 1958, Assemblée - devenue Parlement européen en 1962 - qu'il préside de 1966 à 1969 et au sein de laquelle il siègera jusqu'en 1977, Alain Poher, européen convaincu, préconisera en 1965 la création d'une monnaie commune. Mais Poher est évidemment surtout connu pour avoir été président du Sénat du 3 octobre 1968 au 1er octobre 1992, ce qui lui donna l'occasion d'exercer à deux reprises les fonctions de chef de l'Etat par intérim, ainsi que le prévoit la Constitution de la Ve République.
En avril 1969, lors du référendum du général de Gaulle sur la régionalisation et la réforme du Sénat, Alain Poher, avec l'ensemble des sénateurs, fait, assez logiquement, campagne pour la victoire du "non", le projet de De Gaulle prévoyant de modifier la composition du Sénat et de réduire ce dernier à un rôle consultatif. Devenu président de la République par intérim suite à la démission de De Gaulle, Poher est poussé par le "cartel des non", ses amis, ses collègues, y compris par certains socialistes, à présenter sa candidature à l'élection présidentielle, le 13 mai 1969. Les sondages d'opinion lui sont d'abord favorables, Poher, candidat du Centre démocrate, bénéficiant de l'effacement de la gauche, mais son image d'homme politique de la IVe République ne tarde guère à le desservir, d'autant plus qu'il manque singulièrement de charisme, et que sa campagne se révèle bien moins efficace et organisée que celle de ces deux principaux concurrents : à droite, Georges Pompidou, ancien Premier ministre de De Gaulle, qui se présente comme l'héritier naturel du gaullisme, et à gauche, Jacques Duclos, candidat charismatique du Parti Communiste français, et habile orateur originaire des Hautes-Pyrénées. Poher réussit à se qualifier pour le deuxième tour (avec 23,30 % des suffrages), mais hésite à répondre favorablement à l'appel de Pompidou, arrivé en tête au premier tour (44,46 % des voix), qui lui demande de se retirer pour former un bloc démocrate face au candidat communiste (qui a obtenu 21,27 % des voix) : d'un côté, Poher ne veut pas devenir le candidat d'une opposition qui comprendrait les communistes, mais d'un autre côté, il ne veut pas davantage d'un ralliement du centre à la majorité présidentielle gaulliste. Finalement, Poher est plus ou moins délivré de sa position inconfortable par Jacques Duclos, lorsque ce dernier décide d'appeler à l'abstention au second tour, en déclarant notamment que, s'agissant de Pompidou et Poher, c'est "blanc bonnet et bonnet blanc". De fait, cependant, la défaite du candidat du Centre démocrate semble inéluctable, malgré le ralliement du candidat socialiste Gaston Deferre, maire de Marseille, et de Pierre Mendès France, ralliement dont il bénéficie, mais qui ne pèse guère électoralement : Deferre, candidat de la SFIO, soutenu par Mendès France au premier tour, n'a obtenu que 5,01 % des suffrages, tandis que les autres candidats de gauche - Michel Rocard pour le PSU (Parti socialiste unifié), et le trotskiste Alain Krivine de la Ligue communiste - ont, comme Duclos, appelés à l'abstention. Le 15 juin, Pompidou est élu président avec 58,21 % des voix, tandis que Poher n'obtient que 41,79 % des suffrages...
L'intérim présidentiel qu'Alain Poher assumera une nouvelle fois après la mort de Pompidou, en avril-mai 1974, se passera mieux, dans la mesure où il ne sera pas candidat, cette fois-là, à l'élection présidentielle...
Cordialement, :-)
Hyarion, le démocrate anarcho-monarchiste.