Fils d'Edmond Giscard, inspecteur des Finances ayant, par une procédure devant le Conseil d'État, accolé le nom d'Estaing à son patronyme, Valéry Giscard d'Estaing, surnommé "VGE", est né le 2 février 1926, à Coblence, en Allemagne, où son père était en poste en Rhénanie occupée par l'armée française. Bachelier à 15 ans, VGE a participé, pendant la Deuxième Guerre Mondiale, alors qu'il n'avait pas encore vingt ans, aux campagnes militaires d'Alsace et d'Allemagne en 1944-1945, campagnes dont il est revenu avec la croix de guerre. Polytechnicien et énarque, entré dans les cabinets ministériels de la IVe République à 28 ans, il est élu, en 1956, député du Puy-de-Dôme, départementdont son arrière-grand-père maternel, Agénor Bardoux, fut le député de 1871 à 1881, ainsi que son grand-père maternel Jacques Bardoux de 1946 à 1955. En 1958, il vote l'investiture de De Gaulle, et à partir de là, sa carrière politique devient fulgurante : secrétaire d'Etat aux Finances en janvier 1959, Giscard est ministre des Finances de janvier 1962 à janvier 1966. Giscard fonde ensuite la Fédération nationale des républicains indépendants, présentée comme étant "l'élément centriste et européen de la majorité". De plus en plus critique vis-à-vis du général de Gaulle, résumant son soutien réservé à ce dernier par l'expression "oui, mais", il appelle à voter non au référendum du 27 avril 1969. Ayant soutenu la candidature de Georges Pompidou à l'élection présidentielle qui a suivit le départ de De Gaulle, il redevient ministre des Finances le 23 juin 1969, dans le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas, et conserve ce poste en 1972, dans le gouvernement de Pierre Messmer. En janvier 1974, quelques mois avant son décès, Pompidou, malade, aurait dit : "Quand Giscard me regarde, je vois bien qu'il trouve que je ne meurs pas assez vite..."
Candidat déclaré à l'élection présidentielle dès le 8 avril 1974, VGE fait une campagne électorale efficace. Il est soutenu par le Centre démocrate de Jean Lecanuet, et par Jean-Jacques Servan-Schreiber, dit "JJSS", directeur de l'hebdomadaire l'Express, député de Meurthe-et-Moselle, et président du Parti radical valoisien. Il reçoit également le soutien opportuniste de Jacques Chirac, qui lui permet d'éliminer le candidat gaulliste Jacques Chaban-Delmas dès le premier tour, le 5 mai. Proposant "l'ouverture dans la continuité", il marque les esprits lors du débat télévisé de l'entre-deux tours - le premier du genre -, en répliquant à François Mitterrand, son adversaire du second tour : "vous n'avez pas le monopole du coeur". Le 19 mai, il est élu, à 48 ans, président de la République avec 50,81% des suffrages, et le 27 mai, nomme Jacques Chirac Premier ministre.
Le début de son septennat est marqué par des réformes importantes : abaissement de l'âge électoral de 21 ans à 18 ans, en juillet 1974 ; modification du statut de l'ORTF (Office de Radiodiffusion-Télévision Française) en août ; autorisation de vente des produits contraceptifs et de leur remboursement ; loi sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG), dite loi Veil, en décembre 1974 ; loi Haby démocratisant l'enseignement secondaire ; institution du divorce par consentement mutuel en juillet 1975 ; généralisation du régime de la Sécurité sociale. En octobre 1974, une importante réforme constitutionnelle a été adoptée par le Parlement réuni en Congrès à Versailles : la saisine du Conseil constitutionnel par soixante députés et soixante sénateurs est désormais autorisé, ce qui donne la possibilité à la minorité politique d'avoir juridiquement raison face à la majorité.
Concernant la politique étrangère, c'est sur l'initiative de Giscard d'Estaing qu'est crée, en 1975, le "G6", groupe de six pays parmi les plus industrialisés du monde, à savoir les États-Unis, le Japon, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l'Italie, dont les chefs d'État ou de gouvernement conviennent de se réunir annuellement lors d'un sommet organisé afin de discuter des affaires du monde de façon informelle. Le premier sommet du "G6" a lieu entre les six chefs d'États fondateurs en France, au château de Rambouillet, du 15 au 17 novembre 1975. Dès 1976, le "G6" devient le "G7", avec l'arrivée du Canada dans le groupe. Plus tard, la Russie ayant rejoint ledit groupe en 1998, il deviendra le "G8", dont le dernier sommet en date a eu lieu la semaine dernière, du 6 au 8 juin 2007, à Heiligendamm, en Allemagne.
Voulant être un président de la République d'un nouveau genre, VGE tente une démarche originale, théorisée notamment dans son livre Démocratie française en 1976, celle d'instaurer une "République du centre", et de "décrisper la vie politique".
Ce sera un échec. Bien qu'ayant voulu paraître proche du peuple, à l'occasion de dîners chez des familles françaises ordinaires, de visites de prisons, ou d'invitations d'éboueurs à l'Elysée, son image se brouille peu à peu, pour devenir "monarchique".
Les difficultés s'accumulent. L'UDR (Union des Démocrates pour la République) crypto-gaulliste, dont Chirac a pris la direction en décembre 1974, pense que la politique giscardienne heurte l'électorat de droite sans convaincre les électeurs de gauche, tout en renforçant celle-ci, et Jacques Chirac dénonçant lui-même la mainmise de Giscard sur le gouvernement, il finit par démissionner de son poste de Premier ministre, de sa propre initiative, le 25 août 1976. Il fait d'abord croire à VGE qu'il veut se retirer de la vie politique, et qu'il envisage même de créer une galerie d'art, mais en décembre 1976, il fonde le RPR (Rassemblement pour la République), nouveau parti crypto-gaulliste, et en mars 1977, se fait élire maire de Paris contre le candidat giscardien Michel d'Ornano. En 1979, le successeur de Chirac au poste de Premier ministre, Raymond Barre, doit utiliser, pour la première fois depuis plus de dix ans, l'article 49-3 de la Constitution, le groupe RPR à l'Assemblée nationale ayant refusé de voter le budget pour 1980. A cette époque, le chômage est devenu un problème majeur, le cap du million de chômeurs étant été franchi dès la fin de l'année 1975, la France comptant à la fin de l'année 1980, plus de 1,5 million de chômeurs... Le gouvernement de Raymond Barre, suite à la victoire de la droite aux élections législatives de 1978, pratique une politique économique libérale, réduisant notamment les dépenses publiques, et encourageant fiscalement les placements boursiers. Barre, à la fin du septennat de Giscard, est devenu si impopulaire, que le président lui demande de rester à l'écart de la campagne électorale qui s'annonce. VGE est également empêtré dans la fameuse "affaire des diamants de Bokassa", révélée par le Canard Enchaîné en octobre 1979, le président étant accusé d'avoir reçu de Bokassa Ier, empereur déchu de Centrafrique, des diamants en cadeau, lorsqu'il était ministre des Finances...
Valéry Giscard d'Estaing est néanmoins candidat déclaré à sa propre succession à l'Elysée le 2 mars 1981, sept semaines avant le premier tour de l'élection présidentielle. Mitterrand, Chirac, et le communiste Georges Marchais sont également candidats. La campagne de VGE est mauvaise. Le 26 avril, au soir du premier tour, il n'arrive en tête qu'avec 2,5 points d'avance par rapport à son principal concurrent, François Mitterrand, avec 28,32% des suffrages pour Giscard contre 25,85% pour le candidat socialiste. Jacques Chirac, qui a obtenu 17,99% des voix, n'apporte son soutien à Giscard, pour le second tour, que du bout des lèvres... François Mitterrand apparait en position de force, lui qui a réussit à s'imposer à gauche, Marchais n'ayant obtenu que 15,35% des voix. Lors du débat télévisé de l'entre-deux tours, le 5 mai, il enfonce le clou face au président sortant. Rappelant ainsi que VGE l'avait qualifié, en 1974, d'"homme du passé", Mitterrand lui lance : "C'est quand même ennuyeux que dans l'intervalle, vous soyez devenu l'homme du passif." Le 10 mai 1981, Giscard perd l'élection avec 48,24% des voix contre 51,76% pour le candidat de la gauche, et, le 19 mai, dit "au revoir" aux Français lors d'une ultime allocution télévisée avant de quitter l'Elysée. Il a 55 ans.
Loin de prendre sa retraite, VGE poursuit sa carrière politique, sous les mandats présidentiels de Mitterrand et de Chirac. En 1978, il avait suscité la création de l'UDF (Union pour la Démocratie Française), confédération de divers partis du centre et de la droite non-gaulliste : il préside cette formation politique de 1988 à 1996. Député UDF du Puy-de-Dôme de 1984 à 1989, député européen de 1989 à 1993, puis à nouveau député du Puy-de-Dôme de 1993 à 2002, il est élu président du Conseil régional d'Auvergne en 1986, et à ce titre, joue un rôle central dans la création de Vulcania, parc à thème consacré aux volcans, ouvert en 2002 à Saint-Ours-les-Roches, près de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Aux élection régionales de mars 2004, il est toutefois emporté par le déluge du vote-sanction contre la droite au pouvoir, et perd sa présidence de région après avoir occupée cette place pendant 18 ans.
La retraite politique de VGE se révèle ne pas toutefois être trop triste, car il lui reste encore des amis... Jean-Pierre Raffarin, ancien membre des Jeunesses giscardiennes, devenu par la suite un Premier ministre de Chirac bien connu pour ses formules verbeuses et autres petites phrases foireuses - les fameuses "raffarinades" - a lancé, en 1997, un club nommé, en toute simplicité, "Giscardisme et Modernité", et le 19 mai 2004, les amis de Valéry Giscard d'Estaing, réunis au sein de ce club, présidé par l'épouse de Raffarin, Anne-Marie, ont ainsi célébré, à la Maison de l'Amérique latine à Paris, les 30 ans de son élection à la Présidence de la République. Le 11 décembre de la même année, VGE est même élu à l'Académie Française, prenant la place de feu Léopold Ségar Senghor au fauteuil N°16...
Mais du reste, sur le terrain politique, Giscard n'a pas encore dit son dernier mot. Lors du Conseil européen de Laeken de décembre 2001, en Belgique, il a été nommé à la tête de la Convention sur l'avenir de l'Europe, chargée de simplifier les différents traités européens en rédigeant un projet de traité constitutionnel pour l'Europe. À Rome, en juillet 2003, VGE a présenté lui-même le projet complet d'un traité instituant une Constitution pour l'Europe à la présidence italienne du Conseil européen, et le texte final a été adopté par les chefs d'État et de gouvernement des vingt-cinq pays membres de l'Union Européenne le 19 juin 2004 au Conseil européen de Bruxelles. Ayant été signé formellement à Rome le 29 octobre 2004, ce traité constitutionnel doit être ratifié par chacun des vingt-cinq États membres : cela pourrait représenter une véritable consécration pour Giscard, qui se voit déjà premier président de l'Europe...
Dès lors, en avril et mai 2005, c'est tout naturellement que VGE prend part à la campagne pour le "oui" lors du référendum français portant sur l'adoption du fameux TCE (Traité Constitutionnel Européen). Ce traité est confus, presque illisible, et contient des ambiguïtés potentiellement dangereuses, notamment en matière d'économie, de services publics, de laïcité et de diversité culturelle... mais qu'à celà ne tienne, Valéry Giscard d'Estaing va jusqu'à déclarer, sans rire, en avril 2005, à la télévision : "C’est un texte facilement lisible, limpide et assez joliment écrit : je le dis d’autant plus aisément que c’est moi qui l’ai rédigé..." Il prévoit la victoire du "oui", mais c'est le "non" qui l'emporte finalement avec 54,67% des voix, lors du référendum du 29 mai 2005. Cette fois-ci, pour Giscard, c'est vraiment la fin : il devra se contenter de son fauteuil à l'Académie Française, et du siège auquel il a droit au Conseil constitutionnel en tantqu'ancien président de la République.
Ledit Conseil constitutionnel a dû toutefois récemment rappeller à VGE son devoir de réserve, en tant que membre siégeant de cette institution, lorsque Giscard a annoncé, le 19 avril dernier, dans un entretien dans le journal LeParisien/Aujourd'hui en France, son soutien à Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa à l'occasion de l'élection présidentielle de 2007 et rejettant ainsi la candidature UDF de François Bayrou. Le 27 avril, VGE a d'ailleurs confirmé son choix en s'affichant publiquement aux côtés de Sarkozy lors d'une visite de ce dernier à Clermont-Ferrand, pendant l'entre-deux tours de l'élection présidentielle...
Incorrigible Giscard d'Estaing... Il s'est toujours dit "du centre", mais n'en a pas moins toujours regardé à droite, et si je lui sais gré d'avoir réussi à faire sensiblement progresser l'Etat de droit en France durant son septennat présidentiel, j'avoue ne pas avoir beaucoup d'estime pour lui aujourd'hui, surtout quand je vois ce qu'il est devenu et qui il soutient...
Cordialement, :-)
Hyarion, le démocrate anarcho-monarchiste.