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Festival Visa pour l'Image 2008 : compte-rendu de Dante (2/2)

par Hyarion 26 Octobre 2008, 13:48 Musées et expositions

Voici maintenant la deuxième et dernière partie du compte-rendu de Dante concernant le Festival international de photojournalisme Visa pour l'Image de Perpignan, qui, rappelons-le, s'est déroulée cette année du 30 août au 14 septembre derniers.

Bonne lecture.

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Pascal MAITRE –

Une sainte dans l’enfer des Grands Lacs

 

 

     Au cœur de la région des Grands Lacs, au milieu du chaos qui dévasta le Rwanda, le Burundi et l'est du Congo, où des centaines de milliers de personnes furent tuées par la violence, où des centaines de milliers d'autres ont dû fuir pour essayer de survivre dans les plus grands camps de réfugiés d'Afrique, où des dizaines de milliers de personnes remplirent les prisons, où des centaines de milliers de vies furent détruites par la misère et le sida, dans ces ténèbres qu'on craignait sans fin, une femme burundaise, Marguerite Barankitse, dite Maggy, a apporté une lumière d'espoir : en créant un avenir pour des milliers d'orphelins de la guerre et du sida.

     La singularité du reportage de Pascal Maitre mérite d’être saluée. Si les photographies montrent certes la misère matérielle, c’est avant tout pour montrer que la dureté de cette situation peut-être dépassée par l’ « agir ». Ici, Pascal Maitre témoigne d’un regard et d’une action à travers le personnage de Maggy. Au milieu du chaos qui dévasta le Rwanda, le Burundi et l’Est du Congo, Marguerite Barankitse, dite Maggy, a ouvert un orphelinat pour les enfants de toutes les ethnies afin de les faire vivre ensemble.

     Maggy a notamment impulsé la construction de 550 maisons pour accueillir et abriter les familles, créant aussi un hôpital, une salle de cinéma et des fermes. Selon l’UNHCR (United Nation High Commissioner for Refugees), 400 000 Hutus ont fui le Rwanda avec leur bétail, unique richesse, et de véritables drames humains drainent ce parcours. Les photographies montrent notamment des corps flottant dans la rivière de l’Akagéra, surnommée la « rivière rouge ». La route reliant Mombassa à Bujumbura a été, quant à elle, baptisée « route du Sida ».

     Face à cette détresse humaine, le combat de Maggy prend toute sa force. Dans le centre Mère et enfants à Ruyigi (Burundi), les paysannes séropositives viennent chercher de l’aide, des soins et des informations. Maggy a également réussi à convaincre l’armée Belge de construire ce centre avec des psychologues, des infirmières, des nutritionnistes. La Maison Shalom est un orphelinat qu’elle a créé depuis peu ainsi qu’un complexe hospitalier à Ruyigi. Aujourd’hui, Maggy ne cesse d’interpeller les autorités internationales. Sans grande réponse.

 

Nina BERMAN – Homeland U.S.A

 

 

[ Photo : Un couple américain essaie un refuge anti-radioactif ]

 

     Ces images font partie d'un sujet commencé le 11 septembre 2001. En explorant la vie des Américains, ces photos cherchent à définir le sens du militarisme, de la sécurité et de l'identité. Après avoir passé les dernières années à photographier les coûts humains et la réalité de la guerre, il lui semblait utile de montrer les fantasmes et le marketing qu'elle génère ainsi que l'empreinte de l'esprit militariste chez les Américains.

 

     La démarche de Nina Berman est singulière et fort intéressante pour qui veut appréhender les USA hors de tout anti-américanisme primaire. Bien que critique, ce photoreportage réalisé pour le Sunday Times Magazine cherche avant tout à comprendre et à explorer les valeurs sur lesquelles se base la vie quotidienne des américains.

     En parcourant différents Etats américains, Nina Berman a rapporté des photographies couleur sur une Amérique angoissée qui procède à des exercices de simulations d’attaques terroristes ou nucléaires. Des milliers de participants deviennent acteurs de diverses mises en scènes de guerre qui coûtent plusieurs millions de dollars. Il existe même un camp, depuis le 11 septembre 2001, pour jeunes délinquants qui apprennent à réagir face à une attaque terroriste.

     Nina Berman explique sa démarche : « Certaines de ces manifestations ont l’air d’une performance, d’une représentation théâtrale subventionnée par l’Etat, où le théâtre remplace le réalisme, inculquant aux participants une forte conscience de leur identité et de leurs valeurs par le biais de cette expérience à caractère militaire (…). Ce qui m’intéresse par-dessus tout, c’est cette identité, cette ambivalence située entre le réel et le fictif, si emblématique des discours politique depuis le 11 septembre 2001 ».

     Les images montrent par exemple un grand panneau, planté au milieu d’un champ ou encore au bord de la route, et comportant l’échelle de risque quotidienne. En 2003, une simulation d’attaque terroriste s’est déroulée à l’aéroport de Midway dans le cadre de l’opération intitulée « Topoff 2 ». Elle a coûté 16 millions de $. Dans certaines zones, les autorités organisent de vastes distributions de pilules à base d’iodure de potassium afin de protéger la thyroïde en cas d’attaque ou d’accident nucléaire.

     D’autres images présentent en détail les « exercices » effectués à travers les visages de garçons d’une dizaine d’années, recouverts de peinture de camouflage, qui apprennent à manier des armes pour tirer sur des cibles vivantes qui feront semblant de mourir pour effectuer la simulation, ou encore celles de chiens en armure avec des gilets pare-balle. Dans les villes se développent un vaste « homeland security » notamment basé sur la présence d’écrans géants dévoilant dans les rues des images sur la guerre contre le terrorisme.

     Les images traduisent aussi des faits plus souterrains comme l’essor des Unités d’élite de la Police Américaine (SWAT) jusque dans les petites villes. Début 2008, on compte que 90% des villes américaines de plus de 50 000 habitants disposent de ces unités. Les civils sont les premiers promoteurs de cette dynamique à travers des associations ou des groupes. En témoigne un citoyen, Glen Spencer. Il a fondé l’American Border Patrol dont l’objectif affiché est de surveiller la frontière entre l’Arizona et le Mexique. Pour stopper l’ « invasion mexicaine », il a construit 4 drones de surveillance et dépensé 800 000 $ de sa poche en matériel de surveillance et équipement vidéo. Vissé sur sa chaise et dans sa salopette, le fusil à la main, il offre l’image d’un citoyen déterminé dans son angoisse. Prêt à lutter contre tous les dangers, il offre à lui seul le panorama d’une Amérique qui s’érige une défense ultra sécuritaire pour anticiper les attaques futures d’où qu’elles viennent. Comment dès lors ne pas comprendre la portée douloureuse d’un jour de septembre où l’Amérique découvrit sa fragilité ? Nous restons d’ailleurs dans cette même Amérique pour le reportage suivant...

 

Yuri KOZYREV – Inside Iraq

 

 

     Après cinq années de guerre - qui ont coûté la vie à quatre mille personnes du côté américain et à un million du côté irakien, fait des dizaines de milliers de blessés, provoqué la fuite de cinq millions ou plus de personnes et sonné le glas de la nation irakienne - la situation en Irak est loin d'être résolue. Il faudra visiblement attendre encore longtemps avant que les prémisses d'un retour à la paix ne se profilent à l'horizon.

     L’originalité de ce reportage réside dans le regard d’un Russe sur la présence américaine en Iraq. Etablissant tout d’abord un bilan fait de 4 000 morts américains, 1 million coté Irakien et de 5 millions de personnes déplacées ou en fuite, Yuri Kozyrev s’intéresse à la gestion actuelle de Bagdad, aujourd’hui coupée par des kilomètres de mur blindé. Si la liberté de circulation s’est améliorée dans la capitale Irakienne, il n’en reste pas moins que, dans ce dédale surpeuplé, l’harmonie semble chose impossible. Les murs ne font que maintenir les terroristes hors de la ville et séparent profondément ceux qui vivent au sein de la ville. 700 kms de murs de 3,7 mètres de haut balisent Bagdad et ses environs.

     Dans la province d’Anbar, bastion d’Al-Qaïda de l’ouest de l’Irak, l’organisation terroriste perd progressivement du terrain ainsi que son soutien populaire (application trop stricte de la Charia, exécutions). La population irakienne, incitée à intégrer des groupes de citoyens de surveillance de proximité (CLC) pour la surveillance des quartiers, tient aujourd’hui à distance les terroristes. Le CLC bénéficie d’argent, d’équipement et du soutien des USA, leur permettant de choisir la voie de l’autoprotection. Ce « réveil » prive les insurgés de leur base et fournit des renseignements précieux sur les activités d’Al-Qaïda en Irak.

     Néanmoins, le conflit semble s’être déplacé aux frontières du pays sans pour autant s’estomper. Les nouveaux bastions d’Al-Qaïda se situent désormais au Nord autour de Mossoul, Ninive et Diala. Si les violences sont en baisse, du fait d’une trêve demandée par Moqtadar Al Sadr, chef Chiite, la situation reste dans incertaine. Pour peu que la trêve prennent fin, les Chiites se retourneront contre les Sunnites, et les forces américaines, accusées de parti pris, deviendront à nouveau des cibles.

     De photographies présentant des foules d’irakiens venues assister aux funérailles d’hommes Sunnites aux visages des prisonniers de Falloujah, en passant par des visions d’horreurs suite à des attentats à Koubba, ce photoreportage nous offre un regard complémentaire et intéressant sur la situation actuelle en Iraq.

 

Kadir VAN LOHUIZEN –

L’Après-Katrina, Une crise humanitaire invisible

« Ceux qui sont passés à travers »

 

 

     Le 29 août 2005, le cyclone Katrina a frappé les côtes de la Louisiane et du Mississippi. Selon les médias, le premier jour, La Nouvelle-Orléans avait échappé à la catastrophe : l'œil de la tempête était passé au sud de la ville. Mais les jours suivants, les images ont prouvé le contraire. Le cyclone avait rompu les digues, inondant 80% de la ville, alors que de nombreux résidents s'y trouvaient encore. Certains ont pu atteindre le « Superdôme », d'autres ont campé sur des toits en attendant les secours, et des milliers sont morts noyés. Le chiffre exact n'a jamais été établi. Presque trois ans plus tard, certains résidents se sont réinstallés, mais pour la plupart d'entre eux, la vie est toujours très difficile.

     Le sujet de ce photoreportage intervient dans un contexte où la question controversée de la race fait de nouveau la Une aux Etats-Unis. Socialement, le cyclone a révélé la misère en Louisiane et dans tout le Mississippi, notamment en matière de logement. Les sans-abris montent des tentes sous les ponts de l’autoroute tandis que la criminalité augmente. A la Nouvelle-Orléans, tous les logements sociaux ont été démolis et 70 000 rescapés du cyclone vivent à Houston. De nouveaux complexes résidentiels, comme le Royal Daks, se sont érigés à Houston. A cela s’ajoute que d’anciens refuges, comme le parc de mobil-homes de Mary Ann, sont à présent fermés.

     Kadir Van Lohuizen présente ici des photographies en noir et blanc où cette crise prend toute sa lumière et ses colorations à travers un échantillon de thèmes et de personnages multiples.


Christian POVEDA – La vida loca

 

 

     On les appelle les Maras. Construits sur le modèle des gangs de Los Angeles, ces groupes de jeunes sèment la terreur dans toute l'Amérique Centrale. Plongée dans les banlieues de San Salvador, dans le quotidien des membres d'une armée invisible, nouveau fléau mondial qui détruit par la violence aveugle les principes démocratiques et condamne à mort une jeunesse privée de tout espoir d'avenir.

     Ce photoreportage, réalisé par Christian Poveda, lui-même assisté par Alain Mingam (Consultant), est saisissant. La photographie en noir et blanc extrait le moindre contraste d’un sujet difficile. A l’image des marabundas, fourmis d’Amazonie qui dévorent tout sur leur passage, des mareros, jeunes tatoués de la tête aux pieds et voués au trafic d’armes et de drogue, colonisent peu à peu toute l’Amérique Centrale. On compte à l’heure actuelle environ 70 000 maras dont 36 000 en Honduras, 14 000 au Guatemala et 17 500 à El Salvador.

     A Los Angeles, deux gangs rivaux s’affrontent : les Maras Salvatrucha (MS) et la M18. Ils ont chacun une langue codée, des rites et des symboles. A El Salvador, la consommation de drogue et la prostitution sont considérables et s’accroissent avec une libéralisation à marche forcée de l’économie qui contribue ici à déstabiliser l’ensemble du tissu social. A El Salvador, 4 000 homicides sont dénombrés chaque année, ce qui en proportion de la population représente près de 11 morts/jour.

     A propos du phénomène, Christian Poveda note : « La geste des maras, c’est encore l’histoire des villes mégapoles, ces banlieues-monde, ces mégacities, invraisemblables bricolages de villes et de campagne, illustration parfaite du pire des mondes possibles. Ainsi, ces banlieues de San Salvador sont-elles comparables à un clone de bidonvilles et de programmes sociaux en bordure du « get rien » qui sépare la capitale de sa chaîne de volcans. Un no man’s land, topographie idéale pour une violence caractérisée. Nous sommes à l’extrémité du quartier de Soyapango. Deux ruelles en précipice, la Campanera et San Ramon, forment un cul-de-sac de l’espérance pour des habitants pris au piège de la survie ».

     Sur les pratiques proprement dite, Christian Poveda les met en scène dans une lumière tamisée. Les tatouages permettent de se reconnaître. Ils déclinent en effet le nom du gang, dévoilent sa mythologie et rendent hommage à une mère, même quand elle les a abandonnés à la rue. Bien que nous soyons dans l’univers d’un crime organisé ultra hiérarchisé, un modèle inconscient d’existence familiale traditionnel réunit les anciens enfants des rues, des filles battues et de jeunes délinquants. Certains gangs assurent leur unité quasi-familiale par des slogans tel que celui-ci : « Mata para vivir. Vivir para matar » (Tue pour vivre. Vivre pour tuer). L’amulette épidermique des gangs apporte, quant à elle, une note ironique dans la partie sans issue qui se joue chaque jour. Enfin, un rite d’initiation sous forme de tabasse est prévu pour entrer dans la « famille » de chaque gang.

     Christian Poveda nous livre enfin quelques portraits de membres, comme El Payaso (le Clown), El Oso (l’Ours de la Clica de l’Amatepec), El Bodoque (Le Déchet), La Liro, El Bambam. Entre rivaux, pourtant, aucun différend idéologique ou religieux n’existe. La raison des conflits s’est perdue dans les bas-fonds des barrios hispaniques de Los Angeles, oubliée de tous. La misère est aujourd’hui ce qui les rassemble et les oppose. Quinze ans après une révolution qui saccagea la nation, une nouvelle guerre civile entre pauvres se déroule aujourd’hui à El Salvador et dans l’Amérique Centrale.

     Balisé de commentaires résolument engagés, ce photoreportage de Christian Poveda, en plus de son incroyable qualité esthétique, traite un sujet impressionnant et difficile. Du très grand photoreportage et indispensable.

 

Marie DORIGNY – Si loin de Gandhi

 

 

     En 1917, à son retour d'Afrique du Sud, Gandhi organisait la lutte des paysans du Bihar, contre les grands propriétaires britanniques. C'était là son tout premier combat, en faveur des déshérités, sur sa terre natale. Aujourd'hui, dans cet état rural du nord-est de l'Inde, l'un des plus pauvres du pays, peu de choses ont changé. Les Intouchables et les aborigènes subissent encore l'oppression des puissants : réduits à l'état de quasi servage par les hautes castes, ils sont également chassés de leurs terres par des multinationales en pleine expansion. Qu'ils se réclament de Gandhi ou de Mao, les militants locaux peinent à secourir ces oubliés de la fameuse croissance à 9%. Misère, illettrisme et violence : voici la longue litanie de « l'Inde d'en bas ».

     Ce photoreportage est celui d’un portrait de l’Inde à part entière. Marie Dorigny s’est notamment rendue dans la région de Champaran, près de la ville de Ram-Nagar où survivent les Musahars (« mangeurs de rats »), les plus pauvres des Intouchables. La société civile s’est cependant organisée pour faire face aux questions de misère. L’association Ekta Parishad, par exemple, regroupe des Sans-terre qui revendique des droits pour les oubliés de la réforme agraire. Le mouvement des Sans-terre du Bihar est par ailleurs actuellement le plus dynamique qui existe, combattant notamment les grands prêtres hindous de Bodh-Gaya. En 1972, les Sans-terre ont gagné la reconnaissance de ces derniers. Cependant beaucoup continue de vivre sous l’autorité d’un Zamindar local, une sorte de chef féodal.

     Marie Dorigny nous immerge, dans un univers photographique en noir et blanc, au cœur des difficultés héritées et actuelles de l’Inde rurale. Les traces de la guérilla naxalite (conflit entre les maoïstes et le gouvernement indien) y sont visibles et les Dalits (Intouchables) représentent aujourd’hui la moitié des paysans pauvres du Bihar.

 

Patrick ROBERT – La liberté et le combat en exil

 

 

     Plus radicaux, mieux organisés que leurs aînés, la nouvelle génération de Tibétains en exil a entamé un nouveau chapitre de la lutte pour un Tibet libre. Rencontre, à Dharamsala, siège du gouvernement en exil du Dalaï Lama, en Inde avec ces nouveaux activistes, « branchés », qui écoutent du rock et de l'Opéra tibétain traditionnel, surfent sur Internet, manifestent sans relâche contre les violences de l'Armée d'occupation chinoise et sont les garants, aujourd'hui, d'une identité et d'une culture que la Chine musèle et tente d'éradiquer depuis plus d'un demi-siècle. Qu'ils soient nés en exil de parents réfugiés ou nouveaux arrivants qui ont fui clandestinement leur pays occupé en traversant l'Himalaya, ces nouveaux résistants se sont juré de lutter pour que le Tibet, le plus vite possible, et son peuple, retrouvent la liberté.

     Les émeutes de mars 2008 au Tibet et la répression qui s’en est suivi ont fait surgir sur le devant de la scène une nouvelle génération de Tibétains qui remettent en cause la politique de non-violence prônée par le gouvernement en exil. Les photographies de Patrick Robert présentent la répression à Lhassa en mars 2008 suivie d’une procession pour les victimes et de prières collectives. Mais les modalités des réactions se sont diversifiées. Des grêves de la faim tournantes s’organisent demandant à des personnes de jeûner 24 heures à tour de rôle.

     Le photoreportage se poursuit avec des portraits, comme celui de Tenzin Dolkat Phuntsock, activiste féministe, qui organise des cercles de réflexions et d’informations. Le portrait des personnages s’attarde ensuite sur des institutions, comme le « Tibetan Children Village » qui comprend un centre de formation pour les nouveaux arrivants du Tibet. Le centre Norbulingka, fondé par Kim Keshi, une franco-américaine marié à un dignitaire tibétain, cherche quant à lui à préserver et développer l’artisanat et les arts ancestraux, comme les mandalas (peintures religieuses).

     En Inde, une autre ville, Macleod Ganj s’est créée pour accueillir les exilés tibétains. A la point de la modernité, comportant entre autre de multiples « internet-café », la ville a pris le surnom de « petite Lhassa indienne » dans laquelle chaque Tibétain peut recevoir des informations, un accueil et des conditions de vie proches de celle du pays qu’ils ont du quitter.

     Photoreportage initialement commandé par le magazine Elle, et finalement repoussé dans sa diffusion, La liberté et le combat en exil traduit la prise d’initiatives, de risques, et l’acte de résistance dont fait aujourd’hui preuve le peuple tibétain.

 

 

Noël QUIDU –

Népal : Entre Vishnu et Mao, vive la république !

 

 

     En avril 2008, après dix ans de terreur et 13.000 morts, les rebelles maoïstes, soutenus par une population miséreuse et affamée, prennent la capitale par les urnes, sans tirer un coup de feu, mais sous la sombre menace d'un retour à la guérilla. Les photos de Quidu racontent la mutation insidieuse qui s'opère au cœur d'un pays coincé entre l'Inde démocratique, la Chine au capitalisme totalitaire et le Tibet meurtri.

     Depuis l’instauration de la monarchie absolue, Gyarrendra, monté sur le trône après le régicide shakespearien de 2001, puis le soulèvement populaire d’avril 2006, savait que la transformation de l’ultime royaume hindouiste de la planète en république maoïste risquait de se faire dans la douleur. En avril 2008, les choses s’accélèrent et les rebelles maoïstes prennent le pouvoir.

     A propos de ces photographies, Noël Quidu écrit qu’elles « révèlent cette réalité embarrassante et politiquement incorrecte que le monde ne veut pas voir, l’empreinte d’une idéologie directement inspirée du grand Timonier, penché comme une ombre paternelle ». En 2008, le Népal compte 60 % d’illettrés et 40 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

     Le 10 avril 2008, le Parti Communiste Népalais remporte une majorité sur un programme qui oppose la politique économique à toute politique de paix. Lorsque les Maoïstes sortent grand vainqueur des élections, Noël Quidu écrit : « Cette victoire, à la joie glaciale et à la violence sourde annonce une révolution qui ne dit pas son nom ». Le leader maoïste, Prachanda, est nommé 1er ministre du Népal le 15 avril 2008.

     Depuis les élections, et chaque jour, des réfugiés tibétains organisent des manifestations pacifiques violemment réprimées par la police népalaise. Les photographies de Quidu présentent notamment la répression d’opposant tibétains qui s’est déroulée à Katmandou sous la pression du régime de Pékin. Le 28 avril 2008, les maoïstes ont abolis la monarchie et les forces de l’ordre ont changé de nom. La police du royaume du Népal est devenue la Police de la République. Une République cependant bien loin de toute perspective humaniste et républicaine.

 

 

Michael NICHOLS – Les racines du ciel

 

 

     L'une des plus grandes joies de Michaël Nichols a été de pouvoir côtoyer les éléphants d'Afrique, de les observer au travers de son objectif. Dans la réserve de Zakouma, les éléphants sont protégés pendant sept à huit mois de l'année, mais les dernières statistiques en date sont effarantes : moins de 1 000 éléphants dans le parc de Zakouma. Les braconniers se déplacent rapidement. Les revenus de l'ivoire permettent d'assurer le financement et l'armement des guérillas ou de renflouer les caisses personnelles de certains. Quand les humains comprendront-ils enfin que sans la faune qui l'habite - sans les baleines, les tigres, les gorilles et les éléphants - il n'y aura plus de plénitude pour notre planète ? 

     Le titre de ce photoreportage est emprunté à celui d’un roman de Romain Gary, publié en 1956, et racontant l’histoire d’un écologiste, Morel, qui se rend au Tchad pour sauver des éléphants. Résolument militant, ce photoreportage est une ode et un hommage à la grâce des éléphants, photographiés dans des postures aussi insolites qu’attachantes.

 

World Press Photo

 

 

     Le concours de référence du photojournalisme mondial trouve à Perpignan son lieu d'exposition privilégié.

      Composé de multiples reportages (28 environ) dont seulement 3 ou 4 photos sont présentées pour chacun, l’exposition du World Press Photo rend à la fois compte de la richesse et de la diversité du photojournalisme. Un photojournalisme pourtant en crise et menacé aujourd’hui. Parmi quelques reportages sur l’actualité, signalons celui de Tim Hetherington sur l’Afghanistan, et plus précisément sur la vallée de Korengal ; celui de Philippe Dudouit sur le conflit entre les autorités turques et les combattants du Parti des Travailleurs du Kurdistan indépendant (PKK) qui dure depuis des décennies et a déjà causé la mort de 30 000 personnes ; celui de John Moore portant sur l’assassinat de Benazir Bhutto, ancienne leader pakistanais d’opposition ; celui de Jean Révillard présentant la situation des migrants autour de Sangatte cinq après sa fermeture.

     A noter également quelques reportages autour du contexte conflictuel Israël-Palestine. Yonathan Weitzman présente les traces des migrations visibles sur la frontière israélo-égyptienne tandis que Christopher Anderson plonge au cœur des affrontements.

    Certains photoreportages sont plus thématiques, comme celui de Olivier Culman intitulé « La Télévision dans le monde » ; celui de Massimo Siragusa présentant l’aspect de plus en plus commercial des loisirs en Italie ; celui de Francisco Zizola révélant la violence endémique qui se développe en Colombie, et notamment envers les femmes ; celui de Oded Bality sur la situation de Nankin, 70 ans après le massacre de 1937.

     Enfin, certains photoreportages explorent les arcanes de la faune et de la flore. David Liittschwager travaille à l’échelle microscopique pour révéler la micro-faune sous-marine et Paul Nicklen sur la glace de l’Arctique en compagnie des narvals.

 

QUELQUES MOTS POUR FINIR…

 

     Il serait impossible de résumer ici toutes les expositions de l’édition 2008 de Visa pour l’Image ou d’en esquisser une synthèse. C’est pour cela que ces quelques mots pour finir ne seront en rien une conclusion. 19 expositions principales, une 20éme scindée en plusieurs expositions, constituent un modeste parcours du festival international de photojournalisme. Il ne peut déboucher sur aucune certitude si ce n’est celle que le photojournalisme doit, plus que jamais, pouvoir poursuivre son travail, ses objectifs et explorer toutes les dimensions de l’information à de multiples échelles.

     Peut-être serait-il plus intéressant de parler du sentiment qui se dégage au sortir du festival. Le sentiment de vivre dans un monde qui offre toutes les promesses et les piétine sans discontinuer. On se rappellera, au sortir du festival, du poème de Jacques Prévert, Chanson dans le sang qui se termine par ces quelques vers : « la terre qui tourne avec les mariages / les enterrements / les coquillages / les régiments / la terre qui tourne et qui tourne / avec ses grands ruisseaux de sang ».

     Il est difficile, au sortir des regards exposés sur le papier argentique, de garder sereine sa vision de l’homme. Cette sérénité est pourtant nécessaire. Non pour continuer à marteler les crédos naïfs de ceux voient le monde autrement qu’il n’est, mais bien pour envisager la possibilité de l’action et la nécessité du regard sur « cette honte qui ne dépend pas de soi » mais qui est l’affaire de tous.

 « Les larmes du monde sont immuables. Pour chacun qui se met à pleurer, quelque part, un autre s’arrête. Il en va de même du rire. Ne disons donc pas de mal de notre époque, elle n’est pas plus malheureuse que les précédentes. N’en disons pas de bien non plus[1] ». Cette phrase prononcée par le personnage de Pozzo dans la pièce En Attendant Godot de Samuel Beckett résonne d’une cruelle actualité. Elle permet cependant de dépasser sa neutralité apparente pour donner la place à la continuité de la prospective. Et nous en avons grandement besoin.

 

Dante.

 

[1] BECKETT Samuel, En attendant Godot, Paris, Minuit, p.44-45



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Ici se termine le riche compte-rendu de Dante. Puisse-t-il, chers lecteurs, vous avoir donné envie de vous intéresser au photojournalisme et à son festival international perpignanais !


Cordialement, :-)


Hyarion.


P.S. : Votez Cthulhu.


 

(Illustrations : Détail de l'oeuvre Le jugement de Pâris, de la série Mythologies, gravure [1963-1964] par Salvador Dalí, Figueras, Teatre-Museu Dalí, Fundació Gala-Salvador Dalí ; Photographies illustrant le compte-rendu de Dante : ©DR)

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Coucou !Avant de partir travailler, je me permet ce signal complémentaire. Christian Poveda, l'auteur du photoreportage La Vida Loca sur les gangs à San Salvador a fait un film sur ce phénomène et vous pouvez voir un extrait sur cette adresse: http://www.lafemme-endormie.com/vidaloca/fr/vida_locaFR.htmlJ'espère que le DVD est prévu à la vente. Pour l'instant, je ne vois pas commercialisé...Amitiès, Dante.

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